Oui mais pourquoi parler de vulnérabilité ? S’il y a bien un endroit dans la vie où nous sommes censés être forts et surtout pas vulnérables, c’est bien au travail, non? Nous nous sommes probablement déjà tous dit que nous devrions garder nos émotions pour nous, que nous ne devrions pas exposer nos « faiblesses » et que de toute manière, elles n’ont pas leur place au bureau. Et si on avait tort ?
A l’heure où l’on parle d’un monde du travail plus humain, comment se fait-il que nous ayons autant de difficulté à être vrais et entiers au boulot, comme dans notre vie personnelle d’ailleurs?
Finalement, avons-nous le droit d’être vulnérable ? de ne pas être au top tout le temps ? de souffler un peu parfois ? de faire passer sa santé ou sa vie de famille avant les intérêts de l’entreprise ?
La vulnérabilité pour tous
Un jour ou l’autre, tout le monde est touché par la vulnérabilité : maladie, deuil, accidents de la vie, « vieillesse », etc… A titre d’exemple, en France, 40% des personnes atteintes du cancer travaillent et 20% des salariés vivent avec une maladie chronique (Chiffres de l’Institut National Cancer et Agence Nationale Amélioration Conditions Travail).
Ce sujet qui reste encore un sujet cosmétologique pour certaines entreprises devient un sujet majeur dans les périodes que nous traversons. En effet, aux vulnérabilités « classiques » s’ajoutent de nouvelles zones de difficultés : isolement, épuisement, changements répétitifs, perte de sens, changements d’identité professionnelle, sur adaptation…
Par exemple, la mise en place du travail hybride engendre des situations de vulnérabilités. Mais aussi la perte de sens, la sur adaptation dans des organisations en changement perpétuel, etc.
En effet, de nos jours, la relation au travail est devenue à la fois plus fragile et plus personnalisée. Les individus sont plus sollicités dans ce qu’ils ont de singulier et moins dans ce qu’ils ont en commun. Chacun est (doit être) responsable de sa trajectoire. On lui demande toujours plus de faire preuve d’autonomie, de réactivité et de prise d’initiative tout en exigeant de lui un reporting constant. Autant d’évolutions qui creusent les écarts entre ceux qui semblent avoir tous les atouts pour s’en sortir avec brio et ceux qui en sont démunis ; entre les moments où un individu peut se sentir au mieux et ceux dans lesquels il doute. Autant d’évolutions et de ruptures qui favorisent les vulnérabilités. Elles deviennent un enjeu essentiel dans le travail comme dans la société, et concernent un grand nombre d’acteurs.
Il s’agit de prendre en considération la vulnérabilité. On ne peut pas être tout le temps fort. Il convient de ne pas nier la vulnérabilité, ni chez soi ni chez les autres. Ni de tomber dans la surpuissance qui entraîne des comportements inefficaces ou inappropriés et n’aide pas son environnement à grandir. Fort heureusement, c’est un sujet dont s’emparent de plus en plus facilement les entreprises.
Vulnérabilités = Ressources pour l’entreprise ?
La vulnérabilité est aussi créatrice de valeur. Connaître ses vulnérabilités est une ressource dans la vie en général et dans le travail. Cela permet notamment de savoir ce que l’on peut apporter, dans quelles conditions et là où il convient de s’arrêter. Cela permet de gagner en confiance et donner le meilleur de soi dans un collectif de travail.
Connaître les vulnérabilités de ses équipes apporte au management de l’aide dans la répartition des tâches, ce qui favorise la cohésion entre les personnes et la créativité des unes et des autres.
D’une manière générale, connaître et agir en fonction de ses vulnérabilités favorise l’empathie, le management humain, la confiance, l’intelligence.
La combattre quand elle est handicapante pour l’individu la rend handicapante pour l’organisation. Il convient alors d’accompagner les personnes qui souffrent, mais aussi de laisser s’exprimer les conflits, ouvrir les controverses. Créer des collectifs de travail vivants pour parler du travail et de son organisation. Relativiser les pratiques sources de vulnérabilités : la culture du chiffre, les contrôles et reportings, la quête de l’hyper performance, etc.
La gestion des vulnérabilités est une composante incontournable de la gestion des ressources humaines : mobilités, promotions, formations, management des collectifs, etc. D’une manière ou d’une autre, elle est toujours présente dans les politiques RH.
Il est de l’intérêt de l’employeur de rendre explicite cette présence. Ainsi les parcours professionnels méritent de s’adapter aux personnes, à leur situation à l’instant t, à leurs appétences, à leur personnalité, à la posture que ces personnes sont capables d’endosser à un moment ou un autre. Et non pas se calquer uniquement à leurs statuts, à leur antériorité ou à des trajectoires décidées de manière un peu automatique en conformité à des référentiels. Une même situation pourra être vécue par certains comme une formidable opportunité et un coup d’accélérateur à leur carrière quand elle déclenchera inhibition ou stress insupportable chez d’autres. La prise en compte de la vulnérabilité permet d’être davantage opérationnel dans l’observation de ce qui est devenu un slogan « la bonne personne au bon endroit ».
De plus, une entreprise qui ne tiendrait pas compte de ces phénomènes s’expose, de la part de ses employés à plusieurs revers :
- perte de talents,
- mauvaise image de marque,
- difficulté de recrutement,
- désengagement,
- perte de sens,
- perte de motivation,
- spirale négative pour la personne concernée comme son entourage :
- manager et pairs,
- perte de productivité,
- etc
A titre d’exemple, si on regarde l’actualité Covid, le dernier baromètre Cadremploi sur l’entreprise post-crise révèle que 80% d’entre eux projettent de devenir plus exigeants vis-à-vis de leur employeur, principalement sur le maintien de l’équilibre vie pro-vie perso (68%) et donc sur la possibilité de pratiquer le travail à distance (64%).